Résumé : Notre « contemporain capital posthume » : ainsi a-t-on qualifié Perec vingt ans après sa mort. La formule n'est pas une simple boutade, elle dit quelque chose de la fortune de l'oeuvre. Celle-ci a laissé sa marque dans la culture populaire, ce qui n'est pas banal. « Mode d'emploi » est utilisé à tout propos, et « Je me souviens » est devenu une scie. Mais de tels stéréotypes ne présagent pas toujours la présence réelle des livres. De cette présence, la multiplication des publications posthumes, qui rivalisent, du moins en notoriété, avec les ouvrages que Perec publia lui-même, est un indice plus convaincant. Plus significatif encore, le nombre des écrivains, des artistes, des architectes, etc., qui se revendiquent de l'auteur d'Espèces d'espaces. Perec serait-il déjà devenu un classique' La relative intemporalité que cela suppose ferait alors écho au désir qu'exprimait le titre rimbaldien de son dernier poème, L'Éternité, et qui se lisait déjà dans Les Revenentes : « Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère. » Perec, pour sa part, se décrivait comme « un paysan qui cultiverait plusieurs champs » : sociologique, autobiographique, ludique, romanesque - ce dernier, tributaire de l'envie (bien naturelle chez un lecteur de Jules Verne) « d'écrire des livres qui se dévorent à plat ventre sur son lit ». Mais on tenterait en vain de ranger ses ouvrages dans quatre cases distinctes. Les quatre perspectives ne s'excluent pas les unes les autres; elles sont autant de modes de lecture possibles, et compatibles. « Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère» est certes, comme Les Revenentes tout entier, un lipogramme monovocalique (la seule voyelle employée est e) qui inverse l'époustouflant lipogramme en e de La Disparition (où cette voyelle n'est jamais employée) : nous voici au royaume des contraintes, des prouesses, de l'Oulipo. Mais cette phrase envoûtante est aussi, et avant tout peut-être, un mode d'emploi de la vie. Chez Perec, les contraintes formelles miment en quelque sorte celles, tragiques, de l'histoire, « la grande, l'Histoire avec sa grande hache ». La disparition d'une voyelle dit celle de l'univers familial. La place centrale qu'occupe dans l'oeuvre le chiffre 11 est à rapprocher de la date de la déportation, le 11 février 1943, de la mère de l'écrivain. Une vie commence alors qui s'écrira à l'irréel du passé : « Moi, j'aurais aimé aider ma mère à débarrasser la table de la cuisine après le dîner. » Pas de temps retrouvé euphorique pour Perec. La mémoire demeure lacunaire, et Je me souviens souligne sa fragilité. Aucun palindrome, aucun Voyage d'hiver ne saurait inverser le fleuve du temps. Du moins la fiction peut-elle en suspendre le cours, et donner au monde une forme conquise sur le désordre du réel. C'est à cette ambition que La Vie mode d'emploi et l'oeuvre tout entière de Perec doivent leur intensité.

Résumé : Catalogue des 264 projets artistiques de ce programme de soutien à la conception et à la réalisation de productions artistiques initié en 2022 par le gouvernement français. La plupart des champs de la création contemporaine y sont représentés : arts visuels, musique, écritures, spectacle vivant, design et arts appliqués. ©Electre 2023Le grand livre de Mondes nouveaux recense les 260 projets artistiques réalisés par les artistes visuels, du spectacle vivant, chercheurs, danseurs, designers, écrivains, musiciens, performers, photographes, etc., dans le cadre de Mondes nouveaux, programme de soutien à la création artistique contemporaine lancé par le gouvernement dans le contexte du plan France Relance. Ce beau livre, outre qu’il constitue le Bottin-mémoire de toutes les réalisations de Mondes nouveaux, permet au plus grand nombre de lecteurs, grand public et initiés, de connaître l’ampleur et la grandeur du projet, ainsi que l’excellence de la scène artistique contemporaine sur les territoires français et ultramarins. Le livre est introduit par un long entretien entre a ministre de la Culture, Rima Abdul Malak et Bernard Blistène, président du comité artistique de Mondes nouveaux. Agnès Vince, directrice du Conservatoire du littoral et Delphine Samsoen, directrice générale du Centre des Monuments nationaux, témoignent chacune dans un texte de l’engagement de leurs établissements respectifs et de leur collaboration et accompagnement e nombreux projets de Mondes nouveaux sur les sites du patrimoine architectural, historique et naturel. Classé par ordre alphabétique, un premier cahier de 520 pages mettra en avant les créations originales de chaque artiste ou collectif. Chacune d’elle sera illustrée de photos d’archives ou documentaires, de dessins et de photos des œuvres réalisées, parfois in situ. Un texte ou un entretien, réalisé avec l’équipe de Mondes nouveaux (Bernard Blistène, Ronan de Calan, Lucie Campos, Julien Creuzet, Rebecca Lamarche-Vadel, Bruno Messina, Caroline Naphgyi, Chloé Siganos, Noé Soulier) raconte la genèse et l’histoire de chaque création. À travers ces pages se dessine une sorte d’utopie créative, imaginative, vertueuse, soucieuse d’un Monde nouveau, de questions écologiques, naturelles, de l’histoire et des sites, de collaborations et d’initiatives transdisciplinaires. Un cahier-reportage photographique rend compte du Rendez-vous artistique Mondes nouveaux X Beaux-Arts de Paris qui s’est tenu en avril à l’École avec des rencontres, workshops, projections, expositions, performances… Il est introduit par un encadré d’Alexia Fabre, directrice des Beaux-Arts de Paris et par une présentation de la commissaie de cet événement, Caroline Naphegyi. En fin d’ouvrage, un cahier présente une courte biographie de chacun.e des participants. Il est complété de cartes géographiques permettant de situer les créations et de constater comment Mondes nouveaux s’est ouvert à tous les territoires, du château d’If à la pointe du Raz, de la Forteresse de Salses à la Villa Cavrois, des Saintes en Guadeloupe à la Guyane.