Cette contribution a comme objet la traduction française des Avventure di Pinocchio ayant connu la durée de lecture la plus longue en France : celle de la « comtesse de Gencé », publiée en 1912 par Albin Michel. L’analyse contrastive linguistique et stylistique révèle les grandes difficultés auxquelles la traductrice s’est trouvée confrontée, en raison de la complexité et de la richesse du texte de Carlo Collodi. La « toscanité » qui marque la langue, l’oralité dont est imprégnée la narration, les différences subtiles dans l’idiolecte des personnages, tout comme l’écriture du comique et du non-sens, se sont trouvées gommées dans la version française. La stratégie suivie par la comtesse a été celle de la lisibilité et de la communication avec le jeune lecteur, au détriment du plurilinguisme (la langue de Collodi met en jeu l’italien, le toscan régional et le florentin) et du pluristylisme de l’original. La traduction a non seulement restitué linguistiquement un texte homogène en français « standard », mais a aussi banalisé le style collodien, en redécoupant les phrases et en aménageant la ponctuation selon les normes courantes du « bon usage » scolaire.