Cet article expose les tensions entre une histoire de l’art qui s’identifie à l’État-nation d’une part, et une pensée alternative dans les arts d’autre part, qui tente de démonter l’édifice inébranlable de l’historiographie nationaliste et la construction visuelle engendrée par l’État en tant que vecteur d’identification. Cette autre réflexion, qui se démarque du discours officiel, explore les images et révèle la complexité de leurs significations ; elles sont constitutives d’imaginaires capables de surpasser l’idée d’une identité nationale, pétrifiée et éternelle. Différentes lignes convergent dans cette exploration critique, parmi lesquelles la revalorisation de certaines icônes religieuses et l’approfondissement d’autres périodes historiques, différentes de la Révolution de 1910, mais également génératrices de l’imaginaire national. Un des thèmes qui découle de ce nouveau regard est la réappropriation du passé indigène par le biais d’images, de monuments et muséographies diverses, et par leur juxtaposition conflictuelle, alors qu’une volonté de modernité de l’État se profilait déjà fortement dans les dernières décennies du xixe siècle. En d’autres termes, la structure d’un pouvoir centralisé unifiant artificiellement tous les passés et la diversité ethnique est devenue une priorité pour accéder à la modernité. C’est cette conception centraliste qui a suscité par opposition différents courants critiques, aussi bien dans le domaine de l’art que dans celui de son histoire, en ce qui concerne la problématique des relations entre art et pouvoir. Un point de rupture important, quant aux politiques de représentation du pouvoir de l’État, fut celui causé par le mouvement étudiant de 1968, qui questionna l’image canonique du pouvoir officiel. Cette remise en cause de la structuration visuelle du régime a persisté dans les dernières décennies, l’art contemporain étant l’axe de réversion des signes nationaux et de leurs relations avec le pouvoir.