Depuis le début de leur transmission historique au début de l’ère moderne, ils forment un couple inséparable : le savant Faust et son partenaire diabolique Méphistophélès entretiennent une relation complexe qui a fortement inspiré l’histoire des idées et de la littérature tout comme les arts visuels du xvie au xxe siècle. Les deux parties du Faust de Johann Wolfgang Goethe constituent sans nul doute un point culminant dans la conception de cette relation aux dimensions multiples. Cette œuvre dramatique ne modernise pas seulement le personnage du savant des débuts de l’ère moderne, exemplifiant grâce à lui les traits de la quête constante du savoir et du plaisir. Elle modernise également la figure de son partenaire diabolique Méphistophélès. Jusqu’à l’œuvre de Goethe, le diable apparaissait surtout comme l’adversaire du Dieu chrétien et du plan de salut divin. Désormais, il est « l’esprit qui toujours nie » et représente le principe de négativité ainsi que les processus dialectique et rhétorique. Chez Goethe, Méphistophélès est à la fois le représentant du système de connaissances des débuts de l’ère moderne et le convive de la nuit de Walpurgis médiévale ; il invente le papier-monnaie, important pour l’économie et la spéculation capitaliste financière. Il joue les animateurs d’une société de cour avide de divertissements et, en tant que trompeur trompé, il finit par perdre sa proie. Ces aspects innovants du personnage de Méphistophélès se vérifient à l’examen de son iconographie traditionnelle : les innovations de Goethe sont reconnaissables en regard de l’imagerie historique et des représentations stéréotypées de Méphistophélès. Ainsi l’article reconstruit d’abord les attributs et les modèles de représentation visuelle du diable dans l’histoire de l’art depuis l’Histoire du docteur Johannes Faustus (1587). Il traite ensuite les illustrations et images d’après Faust I réalisées entre l’édition originale (1808) et la traduction française assortie des lithographies d’Eugène Delacroix (1828). Une attention particulière est accordée aux représentations traditionnelles héritées du début de l’ère moderne (Méphistophélès en chasseur et en moine ; Méphistophélès ailé et velu, etc.) et à leur négation dialectique dans les œuvres des frères Riepenhausen, Moritz Retzsch et Delacroix.