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La poétique de la cale

dans Esclavages & post~esclavages

Auteur(s) : Kanor, Fabienne

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2020-05-22
  • Notes
    • Si, pour les descendants des Africains déportés, la cale du navire négrier demeure un damné lieu de mémoire – malheureux et maudit – où leurs ancêtres esclavisés firent l’expérience de l’anéantissement social, de la mort violente, de la lutte et de la survie, elle résiste d’autant mieux à l’oubli, et continue de hanter les vivants du fait de sa dimension spectrale. Au-delà des chiffres divulgués par les historiens, des cartes datées, et de quelques traces écrites et matérielles nous documentant sur l’histoire des bateaux négriers, notre connaissance du bas lieu reste lacunaire et théorique. Nous ne pouvons pas visiter de cale d’un bateau ayant existé ; c’est un fait. Nous ne pouvons plus redescendre dans la cale. Pour se représenter ce qui fut enduré au fond de la grande eau, sous le pont du bateau, il ne nous reste donc plus que l’art. L’imaginaire.Dans cette communication, organisée comme une itinérance, avec, pour point de départ, la silhouette étique de la cale du bateau négrier, nous examinerons les pouvoirs protecteurs, émancipateurs et curateurs de l’art. Confrontés au déficit mémoriel, et à l’insuffisance des vestiges de l’histoire de la traite, telle qu’elle fut vécue par les victimes, les artistes que nous évoquerons ont choisi de mettre la cale au cœur de leurs préoccupations et de leurs productions. Fantomale, fantastique ou réaliste, cette cale est un motif important dans leur œuvre, et un moteur, finalement, pour transcender la douleur, pour remplacer par des images plus personnelles, les visions engrangées par la mémoire collective : images de corps agglutinés contre d’autres corps, images de chaînes, images de nuit, d’un ciel disparu brutalement, images de requins attendant la jetée des corps malades, déjà morts ou parfois bien vivants. Des siècles après le passage avéré du dernier navire négrier, ces artistes africains ou afro-descendants se mettent donc au défi de convertir l’espace clos, torturant et traumatisant de la cale en lieu énergique et fertile où poésie, politique et justice poétique surgissent pour instruire, alerter et/ou guérir. Au fil des escales que nous proposerons (Bénin, Amérique, France), et des différentes pratiques artistiques auxquelles nous nous adosserons (installation, cinéma, performance, clip vidéo), nous questionnerons les limites potentielles de l’art face à l’histoire, et face au travail de deuil et de mémoire. Dans cette démarche qui consiste à représenter la traversée, peut-on éviter l’abjection, l’obscène ? L’expérience de l’immersion absolue du spectateur – tentation commune aux artistes de notre corpus – est-elle nécessaire, possible, souhaitable ? Que devient l’histoire lorsque l’art se l’approprie ?
  • Langues
    • Français
  • Sujet(s)
  • Droits
    • info:eu-repo/semantics/openAccess .
    • https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
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