Durant ses 7 ans à la tête de deux gouvernements de coalition SPD/Verts, le chancelier Gerhard Schröder aura fini par s’imposer comme celui qui a commencé à rompre avec l’inertie. Mais il n’a engagé les réformes que sous la contrainte, et très tardivement. Les programmes Avenir 2000 et surtout Agenda 2010 n’ont été présentés qu’en réaction à l’évolution du contexte extérieur et à la menace d’un blocage intérieur. Dans la genèse des décisions, les experts auront joué un rôle fondamental, à l’instar du Conseil des Sages qui n’a cessé d’identifier les priorités et de formuler des recommandations d’action dont s’est largement inspiré le gouvernement. De leur côté, les partenaires sociaux ont mené une politique de rénovation de la régulation du travail qui a été non seulement conséquente, mais qui a aussi largement contribué à donner pleinement leur sens au cap gouvernemental des réformes. Ils se sont révélés par là des acteurs politiques à part entière. Si la politique de Gerhard Schröder n’a pas été exempte de tâtonnements ni de tentations dirigistes, le jeu institutionnel allemand a toujours fini par la ramener à l’orthodoxie, forçant le gouvernement à ‘recentrer’ sa politique pour ramener l’économie allemande sur la voie de la croissance et mettre son action en conformité avec la dynamique de l’intégration européenne. Si le chancelier a su valoriser opportunément ses réformes en assumant la responsabilité de l’Allemagne dans une Europe en quête de compétitivité, il a su aussi mettre à profit une mutation des valeurs qui avait fini par générer un terrain favorable au changement. Le marasme économique avait fait prendre conscience à l’opinion de l’urgente nécessité d’amorcer des réformes structurelles. Petit à petit, une sorte de ‘nouveau réalisme’ s’est ainsi fait jour outre-Rhin. Il permet aujourd’hui d’aborder plus ouvertement les problèmes et d’en considérer les causes profondes : l’Allemagne n’est pas victime de la globalisation ; c’est bien au contraire son propre modèle économique et social qui lui interdit de développer une croissance génératrice d’emplois. Mais du diagnostic au traitement, la voie est longue. Les véritables réformes n’ont été lancées qu’en 2003, et elles restent largement inachevées. « Nous avons bien trop tardé », avouait le chancelier lors d’une conférence de presse (29-08-2004). Surtout, les deux gouvernements SPD/Verts aux affaires depuis 1998 ont longtemps mené une politique peu lisible et même contradictoire avant d’oser le changement…