La comédie romaine n’est pas riche en figures de maîtres et d’élèves – seul l’esclave Lydus, dans les Bacchides de Plaute, est clairement identifié comme un paedagogus. Cependant, le vocabulaire qui s’associe à la situation d’enseignement (doceo, disco, etc.) et aux statuts de maître (magister) et d’élève (discipulus) nourrit une métaphore scolaire récurrente dans les comédies de Plaute et de Térence. Après avoir expliqué la présence de cette métaphore et étudié le cas emblématique du pédagogue Lydus et de son discipulus rebelle, cet article propose une analyse de plusieurs confrontations entre des avatars comiques de la figure du maître (senex père de famille, lena instructrice de la meretrix ou du jeune homme, entre autres) et leurs élèves généralement récalcitrants, en explorant les formes que prennent leurs interactions, tout en observant leurs modalités dans une perspective qui est celle de la pragmatique et des approches interactionnelles de la conversation. Si l’on remarque que la forme par questions-réponses semble utilisée pour signifier une relation dissymétrique du type maître-élève, cette forme est fort peu utilisée et souvent suivie d’un débat où l’élève conteste la place dominante de son maître. La mise en dialogue de l’enseignement est également une mise en danger de l’enseignant, dont la maîtrise (théorique mais aussi ludique) est contestée par l’élève lui-même. L’usage de sententiae ou de praecepta, formes de la parole d’autorité propre aux donneurs de leçons, est l’objet du même type de jeux de variations et de mise en rivalité, l’élève devenant parfois le maître. L’étude de plusieurs exemples de mises en variation des situations et des formes associées au duo maître-élève permet ainsi de comprendre que, dans les scènes qui exploitent ce duo, l’enjeu réside moins dans la transmission de connaissances ou de principes moraux, que dans la maîtrise ludique de la scène. La relation maître-élève, qui est également exploitée pour construire des personnages non conventionnels (un adulescens trop sage, une jeune fille déguisée en meretrix, un père qui cède face à ses filles – variations que l’intrigue impose aux personae comiques), sert surtout, en tant que modèle formel et interactionnel, à mettre en scène les relations de rivalité ludique qu’entretiennent les personnages : donneur de leçons ou élève, tous tentent d’être maîtres du jeu.