Les années 1800 en Allemagne sont particulièrement riches en réformes scolaires et en débats sur l’éducation. À travers ce foisonnement d’idées et de pratiques nouvelles, deux courants se distinguent à la fin du XVIIIe siècle par les objectifs qu’ils assignent à l’éducation et les modalités d’enseignement qu’ils préconisent : le philanthropinisme et le néohumanisme. Faut-il former l’homme, dans son individualité, afin qu’il développe ses facultés de manière harmonieuse, ou plutôt le citoyen, pour en faire un membre utile de la communauté ? Faut-il favoriser un enseignement formel et linguistique ou au contraire scientifique, axé sur la transmission de connaissances utiles à la vie quotidienne ? L’historiographie a jusqu’ici présenté ces deux courants pédagogiques dans une perspective chronologique, désignant le philanthropinisme comme la pédagogie de l’Aufklärung et le néohumanisme comme celle du début du XIXe siècle, de la deutsche Klassik, et dans une perspective de stricte opposition. La démarche choisie ici, visant à nuancer cette thèse, consiste à revenir sur la période charnière de 1800 et sur la querelle qui éclate entre philanthropinistes et néohumanistes en adoptant une perspective comparative. Le cas du pédagogue Friedrich Gedike et de ses établissements scolaires berlinois démontre en effet que la relation entre ces deux systèmes pédagogiques concurrents est plus complexe qu’une simple opposition symétrique et fait figure d’exemple en matière de conciliation de ces deux courants.