S’exonérer des taxinomies sociales ordinaires à propos de l’activité de dessinateur suppose de se garder de trois écueils, respectivement historiographique, documentaire et ethnologique. Il faut d’abord s’éloigner des oppositions binaires reprises par l’historien trop pressé : art/industrie, artiste/artisan, art libéral/art mécanique, dessin d’art/dessin technique. De ce point de vue, la formation technique des dessinateurs, personnel essentiel dans la compétition entre les manufacturiers, contribue par son institutionnalisation à la codification du métier de dessinateur. Mobiliser des sources continûment oubliées dans les réserves des musées permet ensuite de renouveler avec profit les perspectives, à la rencontre complexe de l’art, de la technique et de l’économie – et de leurs propres redéfinitions dans le travail d’esquisse et de mise en carte. Le caractère changeant du goût et des objets contraint à un apprentissage dans lequel la répétition du geste est une chorégraphie du dessinateur à la fois routinière et créatrice. À l’atelier, en école ou en manufacture, la première industrialisation épuise autant le geste que l’institution.